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lundi 9 janvier 2017

Oil Peak ou le pic pétrolier



Définition

  Tout d’abord une petite définition : l’Oil Peak est défini comme le moment où la production mondiale de pétrole atteint son maximum avant de décliner. Suivant les estimations et les régions du monde le pic pétrolier se positionne entre 2013 et 2020 (l'IFP : Institut Français du Pétrole parle même d'estimations optimistes à 2030). Ce dont nous pouvons être certains c’est que c’est tout proche.

La fin du pétrole ?

Le débat se porte à tort sur la fin du pétrole. En effet, la question n'est pas de savoir quand les réserves de pétrole seront effectivement épuisées complètement, mais plutôt quand l'équilibre entre l'offre et la demande sera rompu. Le pic pétrolier n'est ainsi qu'un indice, un signe annonciateur d'un choc pétrolier et donc d'une obligation de modifier en profondeur nos comportements.

La grande question des réserves

Alors vous me direz l'estimation des réserves est quand même importante pour évaluer quand cette rupture peut survenir. Ce n'est pas faux mais elle n'est pas capitale.
L’estimation des réserves précise est un exercice de haute voltige, et certainement un sujet en soi. La notion de réserves est fluctuante aussi étonnant que cela puisse paraître. Je vous épargne le débat un poil technique entre réserves prouvées, probables, possibles et ultimes. 
Ce qui est important de retenir c'est ceci : Il y a du pétrole dont l'extraction est rentable maintenant avec les techniques connues et le prix du baril de pétrole actuel (et ces données sont assez fluctuantes, ce qui explique les variations sur les chiffres des réserves. Il y a du pétrole dont on sait que sans une rupture technologique importante on ne pourra pas l'extraire. Et puis il y a des quantités de pétrole  dont on estime vaguement la quantité et la possibilité de l'extraire un jour. Enfin il y a du pétrole dont on sait qu'on ne pourra vraisemblablement jamais l'extraire, parce que ça coûtera toujours plus en énergie que celle qu'on pourra produire ou bien parce que ça pose des problèmes d'éthique importants (le pétrole sous l’antarctique réunit ces deux conditions).
En gros, on aurait consommé entre un tiers et la moitié de tout le pétrole disponible sur Terre. 

C'est qui est certain c'est que la découverte de nouvelles réserves est inférieure à la consommation depuis le milieu des années 1980. On comprend donc que factuellement, il y a un moment où ça va coincer. On peut ajouter à cela, que les découvertes les plus récentes sont majoritairement des champs de pétrole difficiles à exploiter et/ou avec un potentiel plus incertain.

Je vous avais prévenu, c'est pas simple. Mais ce qui n'ajoute pas beaucoup de lisibilité au tableau ce sont des aspects géostratégiques. Il n'y a pas d'organisme mondial qui calcule précisément et scientifiquement les réserves du globe. L'agence internationale de l'énergie ne peut que faire des estimations grossières. La plupart des pays de l'OPEP présentent une estimation déclarative de leurs réserves. Quand on sait que la répartition des quotas de production au sein de l'OPEP est calculée à partir des réserves déclarées, on est en droit de se dire que cela fausse peut-être la vision objective des réserves. Vous en doutez encore ? L'Arabie Saoudite déclare tous les ans les mêmes réserves depuis 1990....


La loi du marché étant ce qu’elle est, le cours du pétrole n’attendra pas son épuisement total pour s’emballer. Un choc pétrolier dans le sens d'une augmentation des prix du pétrole est donc à prévoir. La logique voudrait que les prix augmentent quand l’offre baisse, mais ce moment est difficile à évaluer précisément et la finance possède elle-même sa propre forme de logique, fondée sur la confiance en l’avenir.

Et les pétroles non conventionnels ?

L’exploitation des sources non conventionnelles (gaz et pétrole de schistes, sables bitumeux…) a permis d’augmenter la production mondiale de pétrole de 2%. Une paille ? Non, l’équilibre du marché du pétrole est précaire. Le premier choc pétrolier du début des années 1970 a été engendré par une contraction de la mise à disposition de l’ordre de 3%.
Cependant, les estimations d’une contraction de la production pour le choc pétrolier à venir tournent autour de 5%.

Mais le prix du Pétrole n'a pas été aussi bas depuis des années

En effet, cela ressemble au calme avant la grande tempête. Tous les grands producteurs de pétrole sont en grande souffrance avec un cours du pétrole à ce niveau là. L'Arabie Saoudite est en tel déficit qu'à ce rythme là, d'ici 5 ans elle aura épuisé toutes les réserves d'argent amassées depuis le début de l'exploitation du pétrole sur son territoire. Les faillites des sociétés exploitant l'huile de schiste aux Etats-Unis se multiplient. Le Venezuela, la Russie connaissent des crises sans précédents. En l'état, la situation est intenable pour la plupart des pays producteurs. Il y a peu, ils ont réussi à se mettre d'accord sur une réduction de la mise à disposition, et c'est historique. En effet pour la première fois, un accord a réuni les pays de l'OPEP et d'autres en dehors du cartel.

Un rapport du FMI

 Le FMI, qu’on ne peut pas complètement accuser d’activisme écolo, a publié un rapport en 2005, remis à jour en 2006 explorant les différents scénarios suite au choc pétrolier. Depuis, son auteur (Michael Kumhof) a quitté la prestigieuse institution.
En synthèse grossière de ces quelques 150 pages de rapport, les scénarios à mon sens reviennent peu ou prou au même schéma :
  1. Augmentation brutale du prix du pétrole
  2. Diminution drastique de la consommation mondiale de pétrole
  3. Stabilisation du prix du pétrole à un niveau bien plus élevé qu’aujourd’hui.

Les nuances entre les différents scénarios portent sur les durées des différentes phases, et de leurs intensités.

Certains chiffres circulent sur le net, sur le niveau final que devrait atteindre le prix du pétrole en phase 3 mais il est assez difficile d’y voir clair. Certains estiment que le pétrole pourrait plafonner à 300 $, d’autres à 900 $.

La vraie question est : quel est le niveau de prix qui doit être atteint pour qu’un grand nombre de consommateurs change significativement leurs habitudes ? En d’autres termes, il faut que ce soit suffisamment insupportable pour qu'un maximum de particuliers et d’entreprises abandonnent ou limitent de manière drastique tout déplacement alimenté par du pétrole.

Il n'y a pas de consensus sur la date de survenue de ce choc pétrolier. Enfin si, il paraît impossible à tous les observateurs qu'il survienne après 2030... Pas demain donc, mais plutôt après-demain.
La bonne nouvelle c’est que les émissions de CO2 devraient connaître un sérieux coup de frein de ce fait. Cependant, le CO2 qu’on émet aujourd’hui va mettre en moyenne 100 ans avant de se dissiper et donc de ne plus avoir un effet négatif sur le réchauffement de la planète. Le climat se sera-t-il emballé avant que la Terre n'aie réussi à digérer tout cela ?


Quels pourraient être les effets d'un choc pétrolier ?

Ce que je vous propose maintenant, c'est d'imaginer les conséquences d'un prix du baril de pétrole beaucoup plus cher, ou plutôt d'ouvrir quelques pistes de réflexion :
·         Moins de km parcourus en voiture par les particuliers ?
o   Un jour sûrement, la plupart des véhicules des particuliers rouleront au moyen de l’énergie fournie par l’hydrogène. Celui-ci aura préalablement été produit directement à partir de l’eau qui sera aussi le seul déchet attendu.  En attendant cela, on peut imaginer l’envolée du prix de l’essence et donc la pression de ce poste budgétaire sur les ménages. Chacun individuellement sera contraint de trouver une solution adaptée. Payer un plein d'essence à 100, 200 ou bien 300€, pourrait bien faire réfléchir pas mal de monde.  Mais les moins riches feront certainement plus de sacrifices que les autres.
o   Que penser des gens qui se sont éloignés de leur travail pour accéder à un certain niveau de confort et qui sont ainsi dépendants de la voiture ? Verra-t-on un nouvel exode rural vers des zones urbaines plus denses et plus concentrées ? L’étalement urbain si décrié trouverait alors une partie de sa solution, mais avec quelles conséquences sur les prix de l’immobilier pour ne parler que de cela ?
o   Une question est alors à quoi bon investir dans une structure routière aujourd’hui si l’usage en sera drastiquement réduit à un horizon de 5 à 10 ans ?

·         Moins de km parcourus par les marchandises ?
o    C’est un raccourcissement forcé du cycle entre producteurs et consommateurs qui est prévisible.
o   Cela marquera-t-il la fin de la mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui ? En effet, le prix du transport est négligeable actuellement. Verra-t-on autant de cargos remplis de marchandises chinoises débarquer dans les ports occidentaux (et ailleurs) si le prix du transport devient significatif dans le coût global ?
o   Et partant  du constat d'un prix du transport devenu très significatif dans l'achat d'un bien, cela peut-il avoir un impact sur une relocalisation des activités industrielles et manufacturières ?
·         Moins de km parcourus en avion ?
o   C'est vrai, un jour, les avions seront électriques, le seront-ils à temps pour offrir un substitut immédiat à la survenue du choc pétrolier ? Comment se passe la période intermédiaire ? Nos enfants et leurs enfants prendront ils l’avion comme nous le faisons ?
o   Et donc est-il indispensable d'investir de manière massive dans de nouvelles infrastructures liées à l'aviation tant qu'elle n'a pas achevé une mutation vers l'électrique ?
·       Des impacts sur le coût des autres énergies ?
o   C'est le point qui me paraît le moins facile à prédire. Les coûts de certaines énergies comme l'éolien ou le solaire connaissent une dégringolade depuis plusieurs années. Cette tendance serait-elle renforcée ou bien mise à mal par un surcoût du pétrole ?

·         Une prise de conscience sur la finitude des réserves utilisables de la terre ?
o   « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme » comme l’a dit Lavoisier est la phrase que je répète le plus à mes enfants afin de leur faire comprendre comment fonctionne le monde.
o   Au moment où toutes les matières premières de base, en particulier les éléments métalliques : Cuivre, Or, Argent, Platine,… voient leurs réserves diminuer,  un tel choc pétrolier pourrait provoquer une véritable prise de conscience sur la finitude des réserves de la terre et donc provoquer les modifications de comportements nécessaires à un mode de développement plus durable.  Il est à savoir que sur les principaux métaux, les réserves connues permettent de prédire une pénurie dans les 100 ans à venir, voire moins.
·         Les acteurs économiques directement dépendants des transports (industrie, commerce) sont très nombreux  et sont souvent les principaux donneurs d’ordre des autres acteurs (ceux qui a priori ne sont pas dépendants directement du transport). Un effet Domino pourrait alors survenir, de sorte que l’économie dans son entier sera impactée. Et là je ne parle pas de l’utilisation du pétrole dans le monde de la chimie, ou des plastiques. Imaginer un monde dans lequel l’accès au pétrole est beaucoup moins démocratique, et beaucoup moins bon marché n’est pas une chose simple tant cette matière première a su prendre une place centrale au sein de toute notre économie, et même de notre vie de tous les jours
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