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jeudi 13 juin 2019

Je ne comprends pas tout - Les gilets jaunes

De la difficulté d'écrire sur le mouvement des gilets jaunes

Plusieurs fois j'ai entamé la rédaction d'un article concernant les gilets jaunes, plusieurs fois, je me suis arrêté en plein milieu. J'avais la sensation de ne pas me retrouver dans le commentaires sur le sujet et donc le besoin d'ajouter ma voix. Pourtant, j'ignorais moi aussi comment prendre le sujet pour en saisir les tenants et les aboutissants. 

Une analyse complexe d'un mouvement apparemment hétéroclite

Dans la vraie vie, je me pose en défenseur face aux personnes qui sont contre ce mouvement, et en critique face à leurs sympathisants. La nature du mouvement, hétéroclite et éruptive en rend la lecture particulièrement complexe, et je trouve de ce fait les analyses souvent simplistes et caricaturales. On peut bien sûr en dire que les manifestations sont violentes, que les revendications souvent au départ très individualistes ont été entendues par le gouvernement (les fameux 17 milliards débloqués, les 80 km/h), et qu'il faut maintenant que tout le monde se prenne en main et n'attende pas tout de l'Etat. A contrario, le mouvement a bien sûr généré une solidarité, une fraternité qui avait été longtemps oubliée, que les inégalités se creusent et que le "système" tape toujours sur les mêmes.

Loin de prétendre proposer une meilleure explication, je vous propose une autre piste de réflexion, un nouvel axe pour considérer les choses.

Et si on voyait les choses sous un autre angle ?

Et si ce mouvement des gilets jaunes n'était pas finalement le relais de la colère des travailleurs pauvres, ou précaires. Cette tranche de la population semble être oubliée des organisations syndicales ou de chômeurs et prend une part de plus en plus importante de la population. Des gens qui travaillent, mais parce qu'ils enchaînent les contrats précaires et les temps partiels ne parviennent pas à en vivre dignement.
La paupérisation du travail n'a rien de spécifique à la France, il semble plutôt que ce soit un mouvement globalisé mais on peut aisément comprendre leur colère. D'ailleurs dans notre pays, même si un peu moins de la moitié des Français soutient les Gilets Jaunes, plus des 2/3 comprennent cette colère.

L'obsession de faire décroître les chiffres du chômage a provoqué une glissement d'une tranche de population pour les sortir des statistiques vers des boulots précaires. N'est-ce pas la meilleure façon de dévaloriser la valeur travail ?
Dans ce cadre là, on peut imaginer que ces travailleurs précaires, englués dans des spirales de CDD à temps partiels se sentent exclus de la société et du discours normé de la méritocratie.

La méritocratie remise en question

Et je pense en particulier que c'est pour cela que les oppositions au mouvement des gilets jaunes a été si compulsive. Pour la classe bourgeoise, dont j'assume faire partie, même si je m'efforce à un peu de recul, l'existence même de travailleurs pauvres, précaires est une insulte au modèle de méritocratie. On bosse, on fait des efforts, et on s'en sort. Sauf que voilà, dans la vraie vie, ça ne marche pas toujours comme ça, loin s'en faut. Un Emmanuel Macron en particulier est certainement à côté de la plaque : des appels du pied à une classe dirigeante favorisée sans avoir pris la mesure qu'une grande tranche de la population vit des situations compliquées a été pour le moins maladroit ou a minima la preuve de l'ignorance de ce qui se passe réellement au delà des statistiques.

Pour moi, comme j'imagine pour beaucoup d'autres, le mot méritocratie fait invariablement penser à Trump. Il en est arrivé là le modèle méritocratique. Une réussite dépend des efforts fournis certes mais aussi et surtout de l'environnement de départ. En effet, prendre un risque financier sur un million de $ a certainement été plus simple et plus bénin pour Trump né millionnaire que cela pourrait être le cas sur un millier d'€ pour quelqu'un qui sort d'un milieu pauvre. La prise de risques est valorisée en valeur absolue mais pas en valeur relative.  Cela a certainement un sens économique mais beaucoup moins au niveau du mérite.

Tout le monde ne naît pas égal en termes de capacités, de curiosité, de force de travail, d'ambition, ou de facilités, mesurer les efforts fournis et donc le mérite est particulièrement tronqué et biaisé.

Des pistes de solutions ?

Suivre les chiffres du chômage n'est plus suffisant et deviendrait même presque anecdotique voire trompeur si c'est pour remplacer un chômeur par un travailleur précaire qui n'a aucune chance de s'en sortir. Près de 90% des contrat signés sont des CDDs, et 80% d'entre eux sont des contrats de moins d'un mois, j'ai entendu la porte-parole du gouvernement citer ces chiffres ce matin. Il y a là à mon sens un indicateur d'alerte de dysfonctionnement.

Ce n'est qu'une piste, TVA réduite sur les produits de première nécessité, réforme du logement social, avancées vers le transport en commun gratuit, repenser globalement le transport dans le pays, peuvent en être d'autres.

Elles ne sont quoiqu'il en soit pas optionnelles. Comme ne l'est pas non plus, le sujet de l'égalité face à l'impôt. Il faudra bien un jour qu'on se rende compte que taxer les GAFAM est une bonne chose, mais on pourrait aussi s'interroger sur le fait de taxer Total, qui année après année fait des bénéfices records. Et plus largement les notions d'évitement, d'optimisation, ou d'évasion fiscale, ... ressemblent quand même beaucoup à celle de fraude fiscale. S'y attaquer de manière frontale est le seul moyen de réduire ce sentiment d’iniquité.

Conclusion

En conclusion, il me semble que considérer la crise des gilets jaune comme le dévoilement, certes brutal au grand jour de cette nouvelle classe sociale des travailleurs pauvres (dévoilement par et pour eux-mêmes aussi d'ailleurs) et comme une crise du modèle méritocratique modifie l'image qu'on peut avoir des événements.

Alors, certes, Emmanuel Macron n'est pas responsable de cette situation dont il a en majeure partie hérité, mais il en a été le détonateur parfait, avec ce mépris de classe ostensiblement affiché. Il a beau jeu de dire que ce n'était pas son intention, je trouve cela presque pire que tout, s'il n'est même pas conscient du mal qu'il fait. Et ce mépris de classe, même une partie de la bourgeoisie l'a ressentie, moi je l'ai ressenti. J'ose à peine imaginer comment d'autres moins aisés que moi ont pu recevoir le message.

Notre président semble afficher une volonté politique d'agir dans le bon sens. Un quinquennat ne suffira assurément pas à régler le problème. Je doute malheureusement de la sincérité des intentions affichées, trop souvent déçu par les actes jupitériens en matière sociale ou environnementale. Je serai quoiqu'il en soit un observateur attentif des orientations prises pour constater si elles engagent une réduction des inégalités ou bien si elles les creusent. Jusque là... 

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