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lundi 25 septembre 2017

Ni fainéant, ni cynique

ni extrême, non plus d'ailleurs.

Le gouvernement affronte en ce moment sa première grogne sociale contre sa fameuse loi travail. Tentons de prendre un peu de hauteur.

Prendre de la hauteur dans le contexte demande un effort énorme

En effet, le discours de l’exécutif autour de ces sujets est juste insupportable.  Revue de détail des arguments :
  • Le raisonnement qui consiste à dire que tout opposant est opposé à toute réforme est de la malhonnêteté intellectuelle caractérisée. On peut vouloir que le pays se réforme sans avoir envie que ce soit n’importe quoi. Le changement n’est bon que s’il va dans le bon sens. Le changement pour le changement ne rime à rien.  Mais l’opposition à une réforme ne signifie pas l’opposition aux réformes. Ce syllogisme est d’une pauvreté intellectuelle accablante.
  • Ou bien si on est contre c’est qu’on est fainéant, extrême, et, ou cynique. WTF ?? Cette phrase est arrogante, simplificatrice, déconnectée du monde réel, méprisante et méprisable. C’est ça la manière de Jupiter de faire de la pédagogie ?
  • Un salarié qui est contre cette réforme se bat contre les chômeurs.  Non, mais donnez moi alors un objectif chiffré de création d’emploi grâce à cette réforme. Je ne comprends pas comment elle peut créer des emplois. Elle est pour moi facteur de suppression d’emploi.
  • Il faut permettre aux employeurs de licencier pour leur permettre d’embaucher. Je ne vois même pas l’intérêt de commenter cette phrase, tant elle me semble n’avoir ni queue ni tête.
  • Il faut rendre de l’attractivité au pays pour que les investisseurs reviennent.  Sauf que le manque d’attractivité de la France n’est que dans la tête de certains. Cf chiffres ici 
  • Emmanuel Macron a été élu sur ce programme, il a toute légitimité à mettre en place ces mesures. Contester c’est nier la démocratie. Alors là je crois que c’est le pompon.  Comment peut-on avoir tenu le discours consistant à diaboliser les électeurs qui ne souhaitaient pas voter Macron contre Lepen et quelques semaines plus tard faire comme s’il n’avait pas été élu dans ces circonstances si particulières et qui plus est avec une abstention record à chaque scrutin ? On frise le foutage de gueule, là. De là à penser que l’élection des marcheurs est le dernier symptôme en date d’une démocratie bien malade, il n’y a qu’un pas.

Bon, tentons, malgré tout de garder la tête froide pour mener l’analyse de ces ordonnances.

Le contenu

Il est très compliqué d’avoir une idée exhaustive de ce que contiennent les ordonnances. Tous les articles de presse que j’ai trouvés les traitent par des exemples ou bien par les mesures sujettes à polémiques.  Nous n’avons déjà pas eu de débat parlementaire, j’aurais bien aimé en avoir une description un peu synthétique.

Bon alors repartons de ce qui nous est dit :
1.       Le dialogue social au sein de petites structures pourra se faire sans les syndicats.
2.       Les indemnités prud’homales pour licenciement abusif sont plafonnées
3.       Au niveau de la branche, il sera possible de négocier les conditions de travail, y compris au niveau des contrats (limitations sur les CDDs, nouveaux types de contrats, horaires, …)
4.       3 des 4 instances de dialogue entre les patrons et les représentants du personnel sont fondues en une seule.
5.       Des référendums dans les entreprises de moins de 20 salariés à l’initiative des employeurs rendus possibles
6.       Quand une société internationale voudra faire un plan social, seule sa situation au plan national pourra être prise en compte.
7.       Les indemnités légales de licenciement sont augmentées à un quart de mois par année d’ancienneté (contre un cinquième actuellement)
8.       Un délai ramené à un an pour saisir les prud’hommes.
9.       Des accords « de compétitivité »  pourront être signés pour jouer sur les rémunérations et les temps de travail.
10.   De nombreux sujets de négociation descendent de la loi vers la branche (formes et contraintes sur les CDDs, possibilité de créer de nouveaux types de contrats, les fameux contrats de projets)
11.   De nombreux sujets de négociation descendent de la branche vers l’entreprise (montants des primes d’ancienneté, …)
12.   La possibilité de mettre en place un dispositif de rupture conventionnelle collective.

Moi non plus, je ne suis pas complet L, mais c’est au moins une synthèse plus exhaustive que ce que j’ai pu voir dans les grands media nationaux. Je me permets de signaler au passage leur grande faiblesse une fois de plus sur le traitement de ce dossier. Ils se sont concentrés sur les réactions et moins sur le fond les enjeux et les objectifs de ces ordonnances.

Les enjeux et les objectifs

Alors oui justement quels sont-ils ? Qu'est-ce sensé nous apporter ?
L’idée de ces ordonnances était de fluidifier et de simplifier le droit du travail. Beaucoup d’entrepreneurs ont déclaré en effet qu’ils hésitaient avant d’embaucher de peur des difficultés à licencier. Il leur a semblé nécessaire de pouvoir plus facilement virer quelqu’un pour pouvoir plus facilement embaucher.  Capilotracté ? Pas complètement impossible.

Il me semblait que lorsqu’on prenait une décision, on mettait en place des objectifs et des moyens de mesure de l’atteinte de cet objectif. L’idée étant alors de pouvoir piloter et éventuellement ensuite d’ajuster. Ici, je n’ai entendu parler d’aucun mécanisme de ce type. Aurais-je mal écouté ? ou bien est-ce un poil léger ? Ou bien encore est-ce juste que l’emploi n’est pas vraiment l’objectif mais juste de faire plaisir aux patrons ? Oui, je m’emballe, pardon.

Pour la simplification, j’avoue mal comprendre quelle est la mesure qui permet d’alléger le code du travail.

Mon avis

Il existe actuellement des CDI, des CDD, des contrats d’intérimaires, des stages, de l’appel à des prestataires extérieurs (avec leurs formes ultimes que représentent les livreurs Deliveroo). Un patron qui a besoin de main d’œuvre a à ce jour une palette de choix de types de contrats assez large pour combler ses effectifs. Je ne comprends pas quel est le besoin d’ajouter un ou des nouveaux types de contrats comme les contrats de mission. En quoi cela va-t-il les rendre plus compétitifs ? Parce qu’ils vont gagner sur les licenciements ?

L’augmentation des primes de licenciement paraissait être une bonne nouvelle (un peu la seule pour les salariés) mais elle est assortie de détails fâcheux, au-delà de 10 ans d’ancienneté, ces primes vont en fait baisser…

La mise en place d’une rupture conventionnelle collective, j’avoue ne pas bien comprendre en quoi cela diffère des plans de départs volontaires qui existent déjà. Vous allez me trouver méfiant mais quand je ne comprends pas je me dis qu’il y a empapaoutage sous roche…

Le plafonnement des indemnités de licenciement abusif me paraît être dangereux. L’employeur pourra faire donc comme ce qu’il veut avec qui il veut, il sera protégé.

Diverses mesures visent à limiter le pouvoir syndical ou du moins leur poids dans la société. Je ne suis pas un fan absolu de tout ce que font les syndicats mais delà à les faire disparaître, je ne crois pas que cela aille dans le bon sens, ni dans celui de la facilitation du dialogue social.

En synthèse

Ces ordonnances donnent plus de libertés aux employeurs, moins de droits aux salariés, et leurs effets sur le chômage restent à prouver (mais comme on ne se donne aucun outil pour les mesurer…).
Mais ce qui est certain en revanche c’est l’augmentation de la précarisation du travail provoquée par ces mesures. 
Depuis quelques années, les banques se sont montrées frileuses à accorder des prêts permettant par exemple d’accéder à la propriété, ne vont-elles pas se montrer encore un peu plus prudentes ? L’effet induit sur l’ensemble de l’économie me paraît pour le moins néfaste.

Une seule cause au chômage de masse : l’ouverture de parapluie

Je circule de sociétés en sociétés et même de secteur en secteur depuis de nombreuses années grâce à mes activités liées au service. Les mentalités ont changé de manière sensible depuis 10 ou 15 ans. Dans le contexte actuel où avoir un travail devient un privilège, dans certaines entreprises, seuls s’en sortent ceux qui blindent leurs arrières, sont dans la justification perpétuelle pour rejeter la moindre faute sur leurs collègues. Croyez moi ou pas, mais ce ne sont pas ceux qui font avancer leurs sociétés, ils préservent seulement leur pré-carré.  Ce climat parfois entretenu par un management défaillant aboutit de manière certaine et systématique à une limitation des initiatives et donc des innovations. Or seules celles-ci font le succès d’une entreprise. Et les exemples français sont légion Airbus, Sanofi, Bouygues, L’Oréal, etc, et pour ne parler que d’énormes acteurs. Le code du travail français ne les a jamais empêchés de devenir des leaders mondiaux parce qu’ils n’ont jamais oublié d’avancer. 
Oui il faut libérer les énergies mais en libérant les idées. Or l’imagination et inquiétude n’ont jamais fait bon ménage alors précariser le marché de l’emploi pourrait bien être la décision qui va faire plonger une bonne fois pour toutes l’économie française.

Pour comprendre cela, il faut avoir pratiqué (ou au moins écouté et entendu) le monde de l’entreprise mais pas celui des conseils d’administration, celui de la vraie vie.  Emmanuel Macron, confiant dans son intelligence l'a oublié et cela tourne à l’arrogance dans ce qu’elle a de plus détestable. Cela passerait encore si cet aveuglement n’était pas particulièrement dangereux. Pour paraphraser Pascal, Macron serait-il inutile et incertain ?


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